Préface
Jean-Claude Marchal
Jeux traditionnels et jeux sportifs :
bases symboliques et traitement didactique.
Ed. Vigot 1990
L'humanité dispose d'un patrimoine de jeux qui a contribué à la formation de centaines de générations sur tous les continents.
Les études sur l'histoire et l'actualité de ces jeux révèlent les multiples fonctions remplies par l'activité ludique biologiques, sociales, culturelles, symboliques, éducatives. Ces fonctions ont fait l'objet d'évolutions liées aux pratiques sociales, notamment en se différenciant vis-à-vis des étapes de la croissance de l'être humain : enfance, adolescence, âge adulte.
Ainsi le rôle du jeu et les expériences vécues dans les jeux, se sont révélés essentiels au développement psychomoteur, affectif et social des enfants.
Mais au cours des transformations fulgurantes du monde moderne, les hommes semblent avoir oublié cette découverte. Les conditions favorables aux jeux des enfants ont beaucoup disparu ou se sont transformées si fondamentalement, qu'une prise de conscience et une sérieuse réaction s'imposeraient à une société non suicidaire. Il serait illusoire d'espérer retrouver les espaces, les rythmes de vie, les institutions, les habitudes et les valeurs culturelles du monde rural et artisanal de jadis.
Mais s'il existe un fond commun de jeux indispensables aux expériences de base, c'est le système éducatif qui doit les étudier, les trier, les conserver, les adapter, les transmettre et favoriser leur appropriation par les enfants.
« Système éducatif » est pris ici au sens le plus large, allant des parents aux enseignants, en passant par les animateurs des clubs, des associations et centres de loisirs et de vacances. Autant d'intervenants qui doivent être éclairés sur l'étendue, la variété et la richesse du patrimoine des jeux, sur l'imaginaire qu'ils peuvent créer et les structures mentales et relationnelles qu'ils peuvent faire vivre dans un climat émotionnel.
Au premier abord, le domaine des jeux paraît immense et d'un traitement difficile si l'on s'en tient aux apparences. C'est que leurs systèmes de fonctionnement, même les plus simples, se sont habillés de mille manières en se frottant aux époques, aux climats, aux régions, aux langues, aux dialectes, aux coutumes, aux fluctuations des nombres d'acteurs, de leurs âges et de leurs sexes.
Pour ajouter à la profusion, le XXème siècle a développé une action volontariste sur les jeux des enfants. Certains ont été recueillis, fichés, moralisés, prolongés de variantes par les mouvements de jeunesse, de scoutisme, de loisirs et de vacances. Une partie d'entre eux a été adoptée, transformée, arbitrée et présidée par les institutions sportives. L'énorme phénomène sportif a standardisé et universalisé une centaine de jeux mais digéré, secrété et diffusé beaucoup plus, relayé par les entraîneurs, conseillers techniques, enseignants d'éducation physique qui ont inventé des mini-sports, des exercices et jeux préparatoires et des adaptations de toutes sortes.
Vouloir recueillir, commenter et diffuser tous ces jeux, relève de la gageure et conduit à l'inflation : 200 jeux se révèlent insuffisants, il en faut bientôt 300 puis 1 000 avec leurs variantes... Cela devient insoluble ou illisible.
Notre méthode fait le pari inverse.
D'abord, nous pouvons définir sans ambiguïté une catégorie parmi tous ces jeux: les jeux sportifs traditionnels aussi bien que modernes.
Ensuite, nous constatons qu'il est possible de reconnaître dans tout jeu sportif, un symbole sous-jacent, un intérêt majeur, un rêve ancestral, par ailleurs représenté dans la plupart des mythologies. En nous appuyant sur les centres d'intérêt des enfants (Decroly), sur les grandes motivations ludiques (Caillois) sur les mythes sous-jacents aux jeux traditionnels et aux sports (Bernard Jeu) nous avons retenu six grands thèmes génériques : Le voyage, La chasse, Les épreuves initiatiques, L'animation, La bataille et La comédie.
Certes, d'autres thèmes auraient leur place; mais l'expérience montre qu'avec six et en effectuant ce choix, la répartition est facile et féconde. Beaucoup de jeux appartiennent à plusieurs thèmes mais à quelques exceptions près, l'un est dominant.
Enfin, chaque catégorie ainsi définie peut être analysée de manière structurale. Aidés par les recherches de Pierre Parlebas nous avons passé tous les jeux au crible de critères spatiaux, temporels, corporels, relationnels, pédagogiques et relatifs au système des scores.
En repérant les structures communes et les critères discriminatoires les plus pertinents, nous avons pu réduire les jeux appartenant à un thème, à deux, trois ou quatre classes distinctes.
Le considérable patrimoine de jeux est ainsi réduit à 18 structures globales, illustrées d'exemples caractéristiques eux-mêmes choisis et classés de manière à ouvrir les pistes d'un maximum d'adaptations et de créations.
Notre projet est donc de déshabiller les jeux et de les présenter dans le plus simple appareil, accompagnés de la garde-robe la plus fournie.
Nous faisons confiance au lecteur pour les rhabiller en fonction de ses objectifs et des circonstances qui lui sont imposées.
Nous faisons confiance aux enfants pour conserver, quitter, transformer ces vêtements en fonction de leurs besoins.
Adaptation de J.C. Marchal pour les jeux sportifs des
Quatre grands types d'énergie qui soutiennent les jeux
mis en lumière par Roger CAILLOIS
(Les Jeux et les hommes, 1967)
Michel Faure
Mise en forme le 30/12/04
Paîda (emportement) |
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Ludus (règles) |
|
Jeux sportifs et sports | Quasi-jeux et quasi-sports sans règle, sans mesure, sans contrôle. |
Jeux traditionnels et modernes, aux règles souples ou modulables, particulières et non institutionnelles. |
Sports, jeux et activités strictement codifiés et institutionnalisés. |
Types d'énergie ou motivations |
|||
Agon compensée par coopération, chance, simulacre, vertige. |
Chamailleries, bagarres, échanges de balle... |
Relais, parcours, pétanque, balle aux prisonniers, marelles 4 coins, maître du souffle. |
Championnats de football, judo, athlétisme, gymnastique. |
Aléa compensée par l'habileté, le mérite, le simulacre, le vertige. |
Activités libres en milieu sauvage | Jeux de choix (cachettes) Jeux comportant un tirage au sort, Jeux de poursuite où les statuts sont inconnus. |
Championnats de disciplines se déroulant en milieu incertain (descente de rivière) Les JO n'en veulent pas. |
Mimicry piment pour le jeu, risque pour les règles, antidote des enjeux. |
Grimaces, déguisements Manque de simulacre : ici la vraie bagarre ! |
Les jeux de taquinerie (main chaude, l'ours) Les jeux d'expression (ambassadeur-mime) Jes jeux à défi Les jeux à dialogues |
Le simulacre pervertirait le sport qui préfère son contraire : le travail, les exercices. Championnat de disciplines artistiques. |
Ilinx recherche de sensations, balance avec sécurité, attentisme, refus. |
Les tournis, les glissades, les balançoires, le tobogan... Les activités libres dans l'eau, la neige, le noir et les autres milieux insolites. |
Le parcours d'équilibre Les activités de pleine nature sans compétition institutionnelle : spéléo, escalade, ski. |
Les chapionnats Le cirque (trapèze) |
Six entrées symboliques / Dix-huit classes différentes
Jean-Claude MARCHAL
Jeux traditionnels et jeux sportifs
Thèmes | Symboles | Références sportives | Structures différenciatrices |
A Le voyage |
Le labyrinthe, l'expédition, l'exploration, les déplacements risqués, organisés, les rendez-vous. |
Le cross-country, les courses athlétiques, cyclistes, nautiques, les relais, les rallyes sportifs, touristiques, les expéditions, aventures... |
A1 A2 A3 |
B La chasse |
La poursuite et la fuite, l'approche, la dissimulation et la surprise, le tir et l'esquive, le bond dans un espace libre. |
Les lancers athlétiques et le tir sous ses nombreuses formes renvoient aux jeux/cibles. Mais poursuivre pour toucher, esquiver une balle, se cacher dans la nature ne sont pas des conduites reprises dans les sports. |
B1 B2 B3 B4 |
C Les épreuves initiatrices |
L'aléa, l'ilinx, l'admission dans le cercle des élus. |
La virtuosité des gymnastes, l'intrépidité des parachutistes, la prise de risque des escaladeurs, le défi des spéléologues les codes, les gestes conventionnels, le look, le vocabulaire, la hiérarchie |
Cl C2 C3 |
D L'animation |
La vie est symbolisée par la balle au destin incertain qu'il faut faire vivre chez soi, sacrifier chez l'autre. |
Le jeu de paume, le base-ball, le cricket. |
Dl D2 D3 |
E La bataille |
L’agon, l'idéologie de l'équipe. |
la boxe, la lutte, le judo, Le football, basket…, le hockey, le rugby, le jeu à 13 |
E1 E2 E3 |
F La comédie |
Le simulacre, le jeu de rôle, le mime, les clowneries, la représentation. |
Gymnastique, natation, ski, plongeon, patinage artistiques |
FI F2 |
Jean-Claude MARCHAL
Jeux traditionnels et jeux sportifs (p139) :
Le thème de la chasse
« Ce n'est pas le fait de tuer des animaux qui fascine. Les notions de bêtes nuisibles ou dangereuses sont bien relativisées aujourd'hui. Elles sont volontiers remplacées par celles, plus écologiques, de surnombre, d'équilibre, d'élimination de sujets malades...
Mais le thème de la chasse mobilise toujours l'esprit d'aventure. Il répond bien aux rêves de connaissance et de maîtrise de la nature, de contrôle de soi, d'habileté et de bravoure. Ce sont des qualités enviées aux chasseurs intrépides de la brousse ou de la montagne, aux traqueurs rusés du Grand Nord, comme aux dompteurs de fauves africains. L’enfant aime s'identifier aux aventuriers conquérants mais aussi au gibier rusé, rapide et audacieux qui parvient à leur échapper.
Beaucoup de jeux sont investis par le thème de la chasse comme en témoignent les noms mêmes donnés aux jeux, aux lieux, aux postes et aux personnages.
Quatre structures dominantes permettent de distinguer quatre classes :
1. Les jeux d'approche, de guet, d'écoute et de cachette
À l'atmosphère si caractéristique quand ils se déroulent dans leur milieu de prédilection : la pleine nature.
2. Les jeux de poursuite dont la parade est la fuite
Avec leur universelle « prise au toucher » ils semblent répondre à un besoin fondamental. Pourtant, ce savoir-faire n'est repris par aucun sport.
3. Les jeux d'esquive ballon
Le tir et sa parade, l'esquive, représentent là encore un domaine propre aux jeux puisque dans les sports on ne fuit pas la balle, on la recherche.
4. Les jeux d'investissement de territoire
Répondent à des situations de surnombre de joueurs par rapport aux places disponibles, de rapidité de progression vers un but ou de perte et d'annexion de territoires. Les références socio-culturelles sont ici para-sportives les modes chasse (à l'affût, à courre...), les jeux de pions sur tabliers (cf. biblio. Boutin). »
Tableau récapitulatif des Jeux de poursuite
Jean-Claude MARCHAL
Jeux traditionnels et jeux sportifs (tableau 19 p 161 et 162)
1) Un contre tous, prise par toucher, |
|
• Permutation | Chat simple ou la tape |
• Introduction des refuges pour les souris | Chat perché |
• Changeons le genre des refuges : | Chat suspendu, |
- dans l'espace | Chat ferré |
- dans une position | Chat tabou |
- dans la coopération des souris poursuivies | Souris deux |
• Changeons le mode prise | Chat ombre, Queue de souris |
• Supprimons les refuges mais contrarions le chat | Chat deux, Chat blessé |
• Créons lui des obstacles mais permettons son relais | Le mur chinois |
• Ce sont les souris qui peuvent être relayées | Chat coupé |
• Prenons plusieurs chats - sans permutation ni délivrance - sans permutation mais avec délivrances possibles |
Les sorciers |
2/ Instaurons les poursuites sélectives un contre un : | |
- le chat peut se faire volontairement relayer | Chat et souris en cercle |
- la souris poursuivie peut se faire relayer | Accroche-décroche, |
Deux c'est assez trois c'est trop | |
• Déconcertons en changeant le système de permutation | |
• Jouons sur les statuts chat-souris (incertitude, durée) : | Accroche-décroche inverse |
- le chat risque d'ignorer qu'il est chat | Chandelle |
- la souris choisit son chat | Les trois tapes |
- le couple chat-souris est choisi par un 3ème | Frapper Guillaume |
- le meneur annonce les statuts au dernier moment | Pile ou face |
-le meneur annonce les couples d'advesaires, mais pas les statuts qui font l'objet d'un 1er jeu | Le béret |
- le hasard désigne la souris poursuivie | Le marchand de couleurs |
- le meneur surprend les couples par le moment et le handicap de départ (aggravé par la simultanéité) | La ronde des gendarmes et des voleurs |
3/ Changeons les nombres : | |
-Tous chats ou souris inopinément | La course à l'appelé |
- 1 chat poursuit alternativement différents groupes | Le renard dans la basse-cour |
- Tous les chats poursuivent la souris désignée par jeu | L'hirondelle |
Introduisons rituel et jeu dramatique : | Loup y-es-tu ? |
- avec fuites concentrées vers un refuge | Il est minuit dans la bergerie |
- avec fuites excentrées, “éperdues” | Mère confiture |
4/ Où le rôle de chat, d'abord unique, est ensuite tenu par les souris atteintes, peu à peu par tous | Les éperviers |
- Une ritournelle scande les traversées de la zone | Ou sont les cerfs ? |
- Les souris libres traversent quand elles veulent | Mère chaîne |
- Un objet prolonge la main, et la simulacre | Mère garuche |
5/ Deux équipes aux rôles distincts: | |
- Il s'agit de passer un trésor ou de l'empêcher | La baguette |
- Une équipe essaie de capturer l'autre | gendarmes et voleurs |
- Une équipe essaie de capturer un drapeau à l'autre | Le drapeau |
6/ Trois équipes opposées avec droits de prises unilatéraux organisés en permutation circulaire : | Poules-renards-vipères |
7/ Plusieurs équipes rivales doivent traverser une zone où elles peuvent être poursuivies : | Douaniers-contrebandiers (par équipes) |
8/ Deux équipes en duels symétriques : | |
- chat dans son territoire, souris dans l'autre | Les voleurs de pierres |
- Idem en pleine nature, sur deux grands territoires | Prise de fanions réciproque |
- Coup après coup, en inversant chaque fois les rôles, essayer de ramener son propre drapeau par étape | Le double drapeau |
- Où le droit de prise est déterminé pour chacun par des positions spatio-temporelles précises relatives à celles des autres. | Les barres |
Les savoirs propres aux jeux sportifs, permettant de développer les compétences disciplinaires de l'EPS :
Variables et variantes des jeux sportifs
Extraits de “Jeux traditionnels et jeux sportifs” (p13 à 15)
Dans une catégorie de jeux, les constantes se rapportent à une ou plusieurs structures qui leur sont communes. Les variables sont les autres structures, celles qui se prêtent à des changements sans que la logique interne des jeux de la catégorie soit changée.
Les variantes sont les ensembles de réponses possibles aux variables, compatibles entre elles et avec les constantes.
Une méthode pour créer des jeux plus plaisants, plus riches, plus adaptés :
agir sur les variables
Agir sur les variables spatiales, c'est jouer sur :
- familiarité et incertitude du milieu physique, par exemple eau calme-eau vive, terrain de sport-pleine nature
- la nature du substrat, par exemple terre battue, prairie, sable, eau, plancher, neige, tapis...
- la forme des itinéraires, rectiligne, circulaire, en étoile...
- la présence ou non d'obstacles à franchir, contourner...
- horizontalité-verticalité distances, amplitudes, dénivellations et directions.
Agir sur les variables temporelles, c'est changer :
- le statut du temps dans le jeu. Le temps peut être libre, relatif à la réussite de l'épreuve ou à la rapidité de la victoire, fixé à l'avance et on compte autre chose ou mesuré et déterminant ;
- les rythmes et les durées, introduire des pauses ou des accélérations.
Agir sur les variables corporelles, c'est solliciter :
- d'autres parties du corps, d'autres positions ;
- d'autres types d'équilibres (appuis hauts, changeants, fuyants...) ;
- d'autres sens (comme le toucher, l'écoute, l'odorat, la kinesthésie) ;
- une conscience du corps différente par l'introduction de véhicules ou d'engins prolongeant le corps (raquettes, skis, clubs, vélos, patins...), d'objets à manipuler ou de projectiles et balles à lancer et à jongler.
Agir sur les variables relationnelles, c'est intervenir :
- sur le nombre des joueurs et leur groupement : jeux solitaires, à deux, en un groupe ou plusieurs, en équipes ;
- la coopération et l'opposition par la création (ou non) de partenaires, d'adversaires, de nécessités tactiques de concertations...
- le nombre et la stabilité des statuts et des rôles privilégiant ou non l'exclusivité ou les changements, permutations, fluctuations, incertitudes et ambivalences ;
- les enjeux qui peuvent être sérieux, voire angoissants, ou légers, même dérisoires.
Agir sur les systèmes de scores, c'est provoquer autrement les motivations des joueurs. Le système peut ou non souligner :
- le simple plaisir moteur de l'habileté, de l'aisance, de la commnication avec le milieu ;
- le défi à soi-même et la recherche de sa performance ;
- l'effet du hasard et la sollicitation de la chance ;
- le goût du risque, de la vitesse, du vertige et de la glisse ;
- l'affrontement des autres dans la compétition ;
- la fantaisie des relations ambivalentes ;
- le besoin de simulacre, d'esthétisme ou de communiquer du rire.
Agir sur les variables pédagogiques, c'est inviter l'adulte à :
- animer le jeu avec entrain et bonne humeur, le groupe centrant son attention sur lui;
- légiférer, manager, arbitrer ;
- laisser les joueurs libres ou jouer avec eux, si possible comme eux, sans privilège, dans un souci d'autogestion du groupe ;
- aider les joueurs à organiser la préparation et le déroulement d'un jeu complexe comportant plusieurs postes...
300 exemples caractéristiques pour illustrer des variantes différentes
Chaque thème est précédé d'une présentation. Chaque structure globale (ou famille) comporte :
- une présentation en référence à l'histoire et aux pratiques socio-culturelles d'aujourd'hui ;
- un tableau justifiant les variables retenues pour leur pertinence par rapport au thème et à la famille ;
- les exemples de jeux les plus caractéristiques des choix effectués ;
- des pistes pour créer d'autres ensembles de variables compatibles avec la logique du jeu et entre elles.
Finalement 350 jeux ont été nécessaires pour rendre compte de la variété du patrimoine acquis.
Mais leur présentation sous forme de dossiers permet de fournir des indications nécessaires à un ensemble sans trop de répétitions.
Nous avons rarement donné des précisions concernant l'âge, le sexe, le nombre des joueurs, optimum pour la réussite du jeu puisque, justement, l'objet de ce travail est de fournir les moyens d'analyse et de transformation des variables pour une bonne adaptation aux circonstances et aux objectifs.
C'est donc des milliers d'idées créatrices de jeux et d'activitésludiques, de séances d'éducation physique et d'entraînements sportifs, de tournois et de fêtes, qui peuvent naître de ces pages.
Jeu et jeux
Extraits de “Jeux traditionnels et jeux sportifs”
Distinguons :
- le jeu, au singulier, renvoyant, comme play, au sentiment de jeu, à l'esprit ludique, à une certaine manière de vivre les activités (quelles qu'elles soient).
- des jeux au pluriel, renvoyant, comme games, aux activités réputées jeux, portant un nom, des règles, des systèmes de relation, de rôles et de scores .
A/ De quoi est fait « le sentiment de jeu » ?
En faisant le PGCD des principaux auteurs on peut résumer la question en cinq points suffisants pour déboucher sur quelques premières originalités du jeu : sentiment d'une paranthèse, adhésion, autotélisme, incertitude, jubilation.
1- sentiment d'une parenthèse
dans la vie courante et par rapport à ses contraintes habituelles ; jeu = moment d'échappatoire par rapport à la réalité , donc moment d'ouverture à la fiction, à l'imaginaire, à l'expression plus libre des fantasmes...
Manifestement, à l'école, beaucoup de jeux y engagent plus facilement que les sports qui se sont peu à peu chargés des contraintes des autres disciplines (contrôles, normes, évaluations, enjeux...).
Cette opposition entre deux cadres de vie, l'un sérieux, réel à 100%, ayant bonne réputation, l'autre réputé futile, factice, fictif, hédonique mais si agréablement onirique, débouche sur une idée capitale pour la pédagogie : il n'y a jeu que s'il y a non-jeu, consciemment, sans confusion. Surprenante conclusion : l'inséparabilité des deux moments sport-travail et sport ludique.
2- Adhésion.
Avantage des sports connus : ils sont porteurs de sens et généralement emportent d'emblée une adhésion qui va parfois jusqu'à la passion.
En revanche ils repoussent certains récalcitrants, certains déçus d'expériences antérieures, certains craintifs des règles complexes, des techniques rebutantes, des échecs vexants, des responsabilités, des compétitions hiérarchisantes.
Les jeux connus peuvent emporter l'adhésion pour le contraire des tendances précédentes, pour des impressions de divertissement, pour des raisons affectives. Mais existent aussi des élèves qui ne jurent que par les sports.
Les jeux nouveaux peuvent éveiller la méfiance pour l'effort de compréhension qu'ils demandent, pour des craintes d'infantilisation ou de ridicule.
3-Autotélisme :
Activité qui a sa fin en soi, immédiate, le jeu est par définition impossible à l'école puisque celle-ci a, par définition, une fonction propédeutique. À moins que certains moments de l'EPS échappent au sentiment de travailler à son avenir.
Le « coin du bois » pédagogique est moins senti dans l'utilisation des jeux que dans celle des sports (tâches, exercices préparatoires, progression, évaluation...).
4- Incertitude :
Certains sports « méritocratiques » laissent peu de place au hasard, à la « noble incertitude », surtout avec des équipes fixes pour une bonne partie de l'année scolaire.
Certains jeux sans enjeu institutionnel et dont les règles font place au hasard ou à l'instabilité des statuts offrent plus facilement un climat d'incertitude qui peut se porter ailleurs que sur le résultat (pile ou face, la baguette, tirer son épingle du jeu, la balle assise...autant d'incertitudes différentes).
5- Jubilation :
En se servant des propositions de CAILLOIS sous forme du fameux tableau à double entrée (voir document n°2), en les amendant et les prolongeant, nous débouchons sur des notions qui soulignent bien quelques originalités des jeux sportifs souplement codifiés, répondant parfois à la motivation « compétition », mais aussi à toutes les autres formes de confrontations sociales, mêlées au hasard (affrontement de sa chance), au vertige (affrontement de l'espace, des choses et des espaces), au simulacre (affrontement d'un public).
Presque tous les enseignants d'Éducation Physique s'efforcent de donner au maximum le sentiment de jeu dans le travail scolaire.
Qu'ils se servent de supports comme les sports classiques, la danse, les activités de pleine nature, le mime, le cirque ou autre, ils font de l'appétit de sensations et du goût des défis un levier pédagogique.
Ils balisent des situations, donnent des buts à atteindre et laissent libre cours aux élèves pour qu'ils cherchent des solutions, essayent, recommencent, s'imitent mutuellement , s'aident, se défient, inventent, créent...
B/ Les JEUX, (au sens de games) et leur sous-ensemble LES JEUX SPORTIFS TRADITIONNELS
Les Jeux nous renvoient à trois critères :
- une activité conventionnelle (située en dehors du travail, en partie fictive).
- une activité d'affrontement (au sens large: direct ou indirect, de soi ou des autres, ceux-ci étant acteurs ou spectateurs).
- une activité contractuelle. Elle est soumise à des règles. Oui mais...rigides ou souples ? Venues d'où ? Garanties par qui ?
... Autant d'élements de classification.
Jeux et sports
Jeux traditionnels et jeux sportifs
L
Dans cet ensemble les jeux sportifs se distinguent par deux critères: la motricité et le degré de codification. Ce sont donc les jeux à composante motrice importante, souplement codifiés. Cette définition élimine d'un côté les exercices, les quasi jeux, les gigotages et de l'autre les sports codifiés et fédéralisés (même si on peut s'y amuser).
Le critère moteur permet d'exclure du concept la partie d'échecs, de Scrabble ou le jeu d'une scène de Molière, assis, livres à la main.
Tout jeu sportif se situe ainsi quelque part sur les axes : tradition modernité, références historiques lointaines invention récente, existence très localisée universalité multinationale, spontanéité référence culturelle.
Les jeux sportifs, certains plus que d'autres, entretiennent ainsi des relations étroites avec les sports.
Pour ceux-ci, au degré de codification et d'institutionnalisation, s'ajoutent souvent d'autres différences concernant les significations éducatives et les risques de déviation, mais au plan des structures logiques il y a des ensembles communs et des continuités.
Dans toutes les classes de jeux décrites ici les sports sont présents, parfois peu, quand il s'agit de conduites motrices qu'ils n'ont pas investies, parfois beaucoup, comme dans le thème de la bataille qu'ils ont privilégié. Les rapports entre jeux et sports seront donc plus justement analysés dans chaque catégorie qu'en termes trop généraux.
Cependant nous mettons en garde contre les rapports à sens unique qui voudraient ne voir dans les jeux que des activités pré sportives, comme si le sport était « un jeu naturel, universel et supérieur » (cf. biblio Parlebas). Nous montrons à l'inverse que, souvent, les jeux peuvent s'enrichir de suggestions, de situations, de matériels et de « savoir faire » issus des sports. Il peut donc y avoir des jeux « péri-sportifs » et des jeux « post-sportifs ».
Mais, sur bien des plans, les sports sont des sous ensembles des jeux et le jeu une éventualité, une parenthèse, une perversion du sport sérieux.
Les niveaux de complexité d'un jeu collectif ou d'un jeu traditionnel
Types d'action | Rôles | Espace | Objet | Opposition | Tâche terminale (cible) |
|
Niveau 1 | - Courir pour fuir - Courir pour toucher - Transporter - Lancer |
Un seul rôle dans le jeu | Pas de limite de jeu ou Espaces totalement séparés entre les équipes |
Aucun objet ou Une multitude d'objets |
Pas d'opposition | - Simple - Largeur(s) et accessibilité de la (des) cible(s) (ex : un joueur partenaire) |
Niveau 2 | - Lancer/attraper un ballon - Dribbler |
2 rôles différenciés mais en alternance (les temps d'arrêt permettent à l'enfant de reconnaître son rôle) | En partie limité (avec des refuges) | Un objet à conquérir par équipe | Opposition limitée (en sous nombre ou en liberté de mouvement) |
- Moyennement difficile - Accessibilité moyenne de la cible |
Niveau 3 | Combiner des actions et des trajectoires : - Lancer/ attraper en déplacement - Dribbler puis tirer… |
2 rôles dans le même temps de jeu (l'enfant doit repérer quand il est attaquant ou défenseur)
NB : quelques jeux prévoient que l'on puisse tenir plusieurs rôles simultanément |
Espace totalement limité et interpénétré (tous les joueurs sont sur le même espace de jeu) | Un objet à conquérir pour le jeu | Opposition équilibrée | Complexe (la cible est petite et défendue) |