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Catégorie : Formation

Frédéric Saujat
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Le modèle hiérarchisé des préoccupations des enseignants selon Durand (1996)

 

Durand (1996) propose de concevoir l'activité des enseignants comme organisée de façon hiérarchique, selon cinq variables :

  1. La variable « Ordre » concerne les préoccupations des enseignants visant le contrôle des élèves, l'obéissance aux règles de vie, de travail ou de fonctionnement ;
  2. La variable « Participation » correspond aux préoccupations relatives à l'engagement des élèves dans les tâches scolaires ;
  3. La variable « Travail » correspond aux préoccupations de voir les élèves déployer une activité conforme à un réel travail ;
  4. La variable « Apprentissage » correspond aux préoccupations de dépasser le caractère immédiat de l'engagement des élèves dans un travail et d'évaluer ses effets à terme, et non les performances ou les comportements ici et maintenant. Cela implique une régulation plus complexe due au caractère non observable de l’apprentissage ;
  5. La variable « Développement » correspond aux préoccupations des enseignants d'apprécier l'activité des élèves selon une visée éducative à long terme.

Cette organisation hiérarchique des préoccupations professionnelles est définie par une relation d'inclusion: la mobilisation de préoccupations d'un niveau supérieur implique la maîtrise des préoccupations des niveaux sous-jacents. Concrètement, des enseignants débutants ne peuvent être animés de préoccupations relatives au travail qualitatif de tous leurs élèves qu'à partir du moment où ils ont surmonté les difficultés visant le maintien de l'ordre en classe. Cependant, Durand (1996) reconnaît que dans certaines situations d'enseignement difficiles des enseignants expérimentés peuvent de nouveau être mobilisés par des préoccupations de rang inférieur à celles qui les mobilisent plus régulièrement.

Cette hiérarchie met en évidence l’existence d’un niveau intermédiaire : « le travail des élèves ». Il sous-entend l’obtention de l’ordre et de l’investissement des élèves, et constitue un bon prédicteur de l’apprentissage. Il est beaucoup plus directement contrôlé que les variables des niveaux supérieurs. Ceci peut expliquer que beaucoup d’enseignants, même très expérimentés, régulent leur activité à ce niveau intermédiaire. Ce niveau d’intégration correspond à une modalité ergonomique optimale entre un niveau hiérarchiquement très bas, au détriment des objectifs éducatifs, et un niveau hiérarchiquement très élevé nécessitant une compétence, un savoir-faire exceptionnels et une charge mentale importante.

Plus l’activité est contrôlée à un haut niveau d’intégration, plus elle est difficile en raison du fait que les éléments de régulation sont non observables et associés à un long délai de réponse. Les enseignants ont donc tendance à réguler leur action en utilisant des variables intermédiaires observables et contrôlables : par exemple la quantité de travail comme indice et antécédent de l’apprentissage. Il n’est pas rare alors de voir l’activité se structurer à un niveau intermédiaire, avec un « oubli » des objectifs à long terme : un glissement s’opère des buts vers les moyens de les atteindre, et ces moyens finissent par devenir des buts en soi.

La garantie d’efficacité (atteinte des objectifs) tient à la pertinence du choix des moyens et des buts intermédiaires, et donc aux relations entre eux. Ces relations constituent une théorie de l’enseignement qui a pour caractéristiques d’être pratique, implicite et personnelle.