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Catégorie : Formation

Des difficultés des élèves aux difficultés du métier

Frédéric Saujat
La Londe les Maures le 23/10/2010
prises de note de P. Charpentier

 

1- Une posture ergonomique

Il y a un postulat qui ne fonctionne pas : les savoirs de la recherche permettent les gestes du métier. Il faut « reconnaître » le travail des enseignants et comprendre les arbitrages, les compromis plus ou moins efficaces et plus ou moins coûteux. Les résultats du travail + les effets en retour sur l’acteur lui-même représentent un double enjeu avec soucis d’efficacité + soucis de santé.

Le travail se fait avec et pour les élèves, mais encore sur les élèves voire contre eux et parfois sans eux (quand activité indépendante de l’élève) d’où un sentiment d’incompétence malgré l’expérience accumulée.

Le travail de l’enseignant est une activité dans laquelle « faire le bien » et « bien faire » peuvent entrer en contradiction dans le moindre geste professionnel. On n’est jamais sûr d’avoir fait le bon choix d’où les problèmes de conscience.

 

 2- Des prescriptions descendantes

Qu’est-ce qu’on veut nous faire faire ?
 
« On » étant l’état prescripteur du « à faire » et rarement du « pour faire » et « comment faire ». 

Il y a brouillage des finalités avec des prescriptions intenables qui complexifient avec un accroissement quantitatif de la demande dans les missions et les fonctions, ainsi qu’un accroissement qualitatif avec une logique de restitution contre une logique de compréhension ce qui pose problème.

La logique des compétences crée également une ambiguïté avec une mise à mal de la culture de l’enseignant. Les élèves en difficultés sont toujours en surcharge cognitive. Il faudrait réhabiliter le rôle des techniques dans les apprentissages.

 

3- Des prescriptions remontantes

Que sont donc les élèves qu’on a là ?
 
Rapport des élèves à l’Ecole, au savoir et aux tâches scolaires avec affaiblissement de la forme scolaire.

Indiscipline moderne : érosion, chahut anomique, activité contrariée, empêchée, avec des micro-renoncements, désacralisation de l’ordre scolaire.

Développement sur les parents et la hiérarchie (pas de notes ici !!!)

Le métier est interpellé et pris en étau entre les prescriptions descendantes et les prescriptions remontantes.

 

4- Comment faire le métier avec ce que l’on a comme compétences ?

Les situations professionnelles inédites appellent de nouveaux gestes de métier.

Les difficultés sont partagées avec les collègues mais ne sont pas forcément partageables.

Les limites du métier sont mises en exergue.

Enseigner en « zones de turbulence » représente une triple épreuve liée :

 
Des contrecoups personnels et subjectifs

Mise en place de mécanismes de défense pour tenir et rester « normal ».

Difficultés pour se reconnaître dans ce qu’on fait avec des activités contrariées et empêchées.

Comment convertir ces défenses en  ripostes et reprendre la main sur les difficultés en produisant de nouvelles normes.

Le postulat fréquent en formation est le suivant : une présentation éclairée des résultats de recherche favorise l’adoption par les enseignants de pratiques plus efficaces.

Agir sur les connaissances et les conceptions des enseignants permet de modifier leurs pratiques. Or ce postulat ne fonctionne pas.

Comment revisiter l’histoire du métier pour affronter des situations professionnelles partiellement inédites ?

Accroître le pouvoir d’agir des enseignants en organisant des disputes professionnelles permettrait de modifier leurs connaissances et leurs compétences.

 

5- Qu’est-ce qui doit faire l’objet de la transmission dans la construction du métier ?

Des controverses et des dilemmes à mettre en débat

Comment trouver la ligne de crête entre ces deux logiques ?

Une logique de « sur guidage » :


Une logique de « sous guidage » :


Des difficultés d’apprentissage liées aux difficultés d’utilisation des capacités cognitives

On n’apprend pas à l’école comme on apprend dans la vie : les « savoirs invisibles » mettent en difficultés, produire pour apprendre contre apprendre pour produire.

Apprendre l’école pour apprendre à l’école.

Il ne suffit pas de savoir faire, il faut faire savoir qu’on sait.

Fonctionnement binaire des élèves en difficultés : Je sais, je fais / Je ne sais pas, je ne fais pas.

Difficulté pour construire un entre deux entre :

Ne pas savoir et savoir           =   apprendre

Ne pas pouvoir et pouvoir  =   essayer

Ne pas aimer et aimer    =   goûter

Ces élèves sont des phobiques des temps de suspension, ils ne veulent pas se risquer ni prendre de risques. Il y a un déficit d’automatismes qui conduit à une surcharge cognitive asphyxiante ainsi qu’un intrication des dimensions cognitives et affectives dans les conduites et comportements (estime de soi / tolérance à la frustration / peu d’auto régulation formant le triangle de l’apprentissage).

La dépendance affective avec personnalisation de la relation engendre confusion et opacité cognitive. Il y a ceux qui écoutent la maîtresse, ceux qui écoutent la leçon et ceux qui n’écoutent plus rien !!!

 

6- Des pistes possibles

Réinvestir les dimensions collectives de l’étude avec rituels d’apprentissage tribal permettant assistance et collaboration.

Réinvestir les dimensions intensives de l’étude : la classe comme lieu de l’exercice et comme collectif de travail.

Inscrire l’élève dans un processus d’autonomisation : on n’apprend pas de manière autonome à devenir autonome.

Mobiliser les gestes professionnels visant simultanément la cohérence des groupes et des compétences.

Enseignement explicite avec modélisation : « mettre un haut parleur sur sa pensée », le « diresur le faire », avec pratique guidée pour permettre une clarté cognitive pour les élèves en difficultés.

Enseigner en fournissant un étayage intensif qui s’estompe au fur et à mesure que la compétence de l’élève s’affirme et co-construire ce qu’on ne sait pas faire.